L´Aigle, Mademoiselle....1982

 D'où la bouleversante importance de l'un de ses objets,

intitulé non par hasard L'Aigle, Mademoiselle...et qui répose,

à tous les sens tu terme,

sur l'incommensurable irréalité du désir :

cambrée sur une tête de mort qui pourrait être le monde,

voici la femme à tête de mort

dans le luxe des luisances de son attente,

seulement comparable en excès de lumière retenue

aux élytres de scarabées qui tapissent son sexe ouvert.

Sur elle, tête-bêche,

l'aigle sexuel pétrifie dans sa frénésie d'ors sombres qui,

chaque soir, font disparaître l'horizon.

Non, ce n'est pas "la mer allée au soleil",

c'est le désir en arrêt sur la mort

mais c'est aussi la mort

devenue noyau de l'éternité du désir.

 

 

 L'orage magnétique des présences hallucinées,

impitoyablement humaines,

innocémment inhumaines,

dont il a fait les gardiens hantés des Champs magnétiques

d'André Breton et de Philippe Soupault,

est un de ces précipités

devant lesquels l'espace cède la place

pour laisser voir à nu, à vif,

les membranes du désir,

les artères de la passion

et les nerfs aborescents de la pensée

s'éloignant d'elle même.

Emboîtage pour le Manuscrit des Champs magnétiques d´André Breton et Philippe Soupault - 1972-73

 

 

Une seule marotte en tête - 1983

 La marotte est là,

derrière,

tapant contre les parois du crâne

de toute sa force

obsessionnelle pour qu'on la délivre

de cette prison dans laquelle

le monde entier semble s'être mis d'accord

pour l'y maintenir au secret.

Marotte en tête,

autrement dit à chacun sa prison,

s'il n'y avait des êtres comme Jean Benoît

pour entendre hurler dans le silence du corps.

 

 

 Les fantaisies des hommes

ne renvoient-elles pas à celles de la nature ?

Jean Benoît en est si sûr

qu'il s'émerveille de la même facon

devant l'île au trésor de chaque invention perverse,

devant le vertige englouti d'un coquillage,

devant le bouillonné d'une grande lèvre

ou les couleurs feu mourant d'une plume trouvée.

Et d'entre toutes ces bizarreries,

le hasard objectif n'est pas la moindre à le troubler

par son incongruité d'écume,

figurant la ligne de crête convulsive

où viennent parfois se rencontrer,

comme dans un même égarement improbable,

le désir humain et la marche du monde.

Reliquaire pour tête trophée Mundurucu - Amazonie - 1968

 

 

Le bouledogue de Maldoror

De l'insaisissable bête de Maldoror,

sexe de cuir,

gueule de cuir,

anus de cuir

ne seraient pas tendus par la même violence

si cette peau n'était pas le patchwork

de trente-six paires de gants de toutes petites filles.

Sur l'échine du bouledogue,

Jean Benoît fait pousser avec de tessons de verre

la nécessité du crime sexuel et,

du même coup, prête scandaleusement vie à la mort,

en figurant comme la plus vivace plante parasite

l'indestructible émergence de la passion meutrière.

 

 

 

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