Paratonnere (sélection)

Que la nature est belle, jusque dans son désordre!
D.A.F. de Sade



Sur une feuille où s’éparpillaient
Diverses espèces d’instruments marins
Éclaboussés de traits fort précis et sensibles
Comblés en leurs courbes de minuscules sphères rouges
Chargées de marquer les points cardinaux
Feuillet où allaient et venaient les marées
Insolemment tièdes plus provocantes que le soleil
Lorsqu’il se dissimule sous les âmes de sa propre animation
Au moment où les barques de pêche jettent l’ancre dans l’infini
Entre un mot blanc et un autre noir
J’ai vu une maison qui feignait d’être une plage
Et l’unique femme qui partageait son charme
Feignait d’être un clair de lune
Point n’y était besoin la rigueur de ces dessins cartographiques
Qui fascinent tant les aveugles
Car ils sont capables de faire en sorte
Que le regard n’existe pas au-delà des limites d’une côte assoupie dans la nuit
Il était d’ailleurs évident que moi j’avais les yeux fermés
Lorsque je m’approchai d’elle pour la convier
À la transparence de quelque parfum médiéval
Je ne tardai pas à me dire
Elle rassemble en un seul verbe tout ce dont j’ai rêvé
C’ est l’Ombre dépossédée de son détour
Ou peut-être est-ce l’Echo endormi sous la brise
Qui la maintient en équilibre parfait entre une lettre et l’autre
Comment se peut-il alors que sa seule chevelure puisse soutenir
Autant d’ingénuité
Mes yeux ne cessaient de se promener le long de la reliure du livre
Que sa main gauche griffait obéissant peut-être
A une impulsion aussi naturelle qu’obscure

Ensuite je pus me convaincre que ce que ce velours noir cachait
Etait une édition de luxe de POÈMES d’André Breton dont la dédicace
De plus en plus brillante à mesure qu’augmentait mon désir de la jeune femme
Se résumait à un minuscule dessin qui figurait
La naissance d’un châtaignier dans les mains d’une enfant blonde
Derrière laquelle un jardin en flammes
Pâlissait à l’unisson de l’aube.

Qu’a donc voulu me demander la dame lorsqu’elle commença à faire glisser sa langue le long du miroir de poche qui la reflétait endormie?
Certes, le lecteur inspiré sait bien
Que ses fines rondeurs étaient mes ponts
Un peu ivres de soif et d’imprévisibles clameurs, mais si beaux!
Entre un mot noir et l’autre blanc
Elle était tout équilibre
Sauf ses yeux qui étaient ma vie
Jamais ne s’équilibraient comment dire
L’eussent-ils fait les vagues s’en seraient brisées avec plus d’élégance
Sur son ventre où les sables s’obscurcissaient pour donner libre cours
À ma solitude
Comme si elle était l’orage bien des nuits attendu
L’eussent-ils fait les vagues s’en seraient brisées avec plus d’élégance
Sur ces aphorismes où son regard
Si elle se trouvait à mes côtés
Se répandrait comme une voix antique dans un crible
Caressée par des mains minérales baignées de larmes
Aphorismes? NON! Confessions de détresse
Curieuse interrogation

Comment poser les mains sur une pierre
Sans que ne désespère la nature entière
Comment abriter le raccourci qu’occasionne une interrogation obscure
Sans que ne fassent irruption moqueuses les missives accumulées dans ses yeux
Se servant de la fureur de mon inspiration et de l’espace
Où la terre un beau jour séduisit les étoiles les plus belles
Pour en déduire ensuite qu’elle-même est aussi belle
Que l’acacia qui la viole
Que le battement maritime qui l’équilibre
Au soutien des passions inachevées
Peut-être dans ces paroles réside le secret
Du mécanisme dialectique dont se prévaut le printemps
Pour me dépouiller des uniques syllabes qui méritent d’être écrites
Lorsqu’il pleut dans mon cœur
Pour s’emparer de toute illusion se promenant sous un parapluie
Je l’appelle l’âge d’or
Bien sûr l’hiver déjà n’existe plus et alors c’est très facile...

Comment donc caresser l’ardent début
De la lance qui nous sert à remuer les bûches mal allumées
Aussi proches de l’intelligence que vous préférez entre ses seins
Comment caresser son ardent début si quelqu’un a éteint la cheminée
Qui avec son intrépidité conduisait de baiser en baiser
Aux échos des tentations légitimes
Serait-ce le collectionneur de naufrages?
Comment reconnaître l’inconnu endormi
Sous des édredons d’équivoques occasionnellement cruelles
Puisque jamais il ne rêve
Pour le matin il préfère un fond d’éclairs
Pour l’après-midi un bateau
Echoué au bout de notre monde
Pour la nuit des feux d’artifice
C’est peut-être le collectionneur de naufrages?
Bien sûr il n’y a plus d’hiver et alors c’est très facile...
Mais comment donc poser les mains sur une pierre
Sans que ne désespère la nature entière
Peut-être dans mon rut réside le secret du mécanisme dialectique
Dont se prévaut le printemps
Comment élucider le toucher féminin des épaisseurs
Qui entourent chacune de ses réponses
Vous êtes une femme qui avez su disposer jusqu’au plus doux de mes battements
Je ne crois pas dès lors qu’il vous soit tâche ardue de me changer
En prestidigitateur du désir
J’aimerais que culminent mes préparatifs lorsque se lèvera la lune
Ils se réduiraient à un simple hommage à la lumière
Je crois profondément que vous seule rendez possible
LA FONTE DES CONTRAIRES Mais venez donc regarder la belle nuit qu’il fait dans mon amour
Votre langue recueillera avec provocation les mots
Que je n’ai pas osé vous dire
Si nous pressons le pas

Ici les accents que l’ambiguïté du mauvais temps couvre de branches de saule doivent disparaître de mon indécision
Finissons-en une bonne fois avec ce maniérisme du cœur qui nous a tant éloignés de la marée véritable
Celle qui revient avec la même plénitude
Bien que vous ne pensiez pas à mes distances
Permettez-moi de voiler l’artifice poétique
De l’attacher
À la légitime
Écume

Et toujours la mer
Avec ses spectres de sel infini
Chassant ce qui reste de brillance sur le quai
Avec sa profondeur de conque à la dérive
Il n’est pas vrai que ce soient des déchets qu’elle rejette sur la côte
Pouvons-nous appeler ainsi les madriers soutien des naufragés les sédiments marins dont les poètes surréalistes jouissent en en faisant l’instrument de lucidité nécessaire pour croire dans le mot?
Pouvons-nous appeler ainsi la tranche de voilure qui a rendu possible l’orientation dans les orages?
J’insiste qu’un strict sens moral est inévitable
Envers les objets
Où les passions ne soient pas incompatibles avec la trille rosée
Toujours suggérée par l’amour charnel
De quelle liberté me parlent les annonces fantômes du journal
Dont la rhétorique ferait trembler si c’était chose possible le plus vaillant des oiseaux
J’impose un rythme plus posé
Pour user avec tendresse de la brise
Une caresse plus profonde dans sa chevelure sans défense
Avant de couler la langue
Dans le royaume préféré qui n’offre point d’obscurité
À nos yeux car il ne la méritent pas
Exclure la nature est toujours indigne du rêveur
Aperçue par ma plume au travers de son non
La nuit
Se maquille
Le dos au miroir que vous formez avec vos caresses
Elle porte un tablier aux éclairs somptueux
Plissé à la taille transformant en éventail
La naissance de ses cuisses
Un porte-jarretelles couleur fraise et ses cheveux sont attachés
Par un ruban en soie naturelle
Elle a oublié nos noms l’union de nos mains
Le dégel de notre tendresse
Nous devrions la dessiner elle est encore plus belle lorsqu’elle pose
Restez à mes côtés pour ne pas l’inquiéter
Venez
Je vous attendrai tout le temps nécessaire
Entre un mot blanc et un autre noir
Tout près de l’illustration où les courants de la mer vont et viennent


Alejandro Puga